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23 octobre 2014

Climat : « Les Européens ont tout à perdre à ne pas se mettre d'accord maintenant »

La commissaire européenne à l'action pour le climat, Connie Hedegaard, quitterases fonctions à la fin du mois. Avant de partir, elle espère voir les Vingt-Huit adopter  le paquet Energie-Climat 2030 lors du Conseil européen des 23 et 24 octobre à Bruxelles. Celui-ci déterminera la politique de lutte contre le changement climatique de l'Union au cours de la prochaine décennie.

Alors que les trois objectifs proposés par la Commission – réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990, porter la part des énergies renouvelables à 27% et améliorer l'efficacité énergétique de 30% – continuent de faire l'objet d'intenses tractations entre les capitales européennes, la Danoise considère que les Européens, autant par nécessité d'agir contre le réchauffement que par intérêt économique, ne doivent plus différer leur décision.

Un accord est-il possible cette semaine à Bruxelles ?

Connie Hedegaard : Je l'espère même si jusqu'au dernier moment tout peut arriver. Les Vingt-Huit ont tout à perdre à ne pas se mettre d'accord maintenant. Les entreprises réclament de la visibilité pour pouvoir investir dans ce qui doit devenir la nouvelle économie bas carbone de l'Europe. Attendre encore c'est prolonger l'incertitude et prendre de gros risques.

 

Nous entrerons en janvier dans une nouvelle ère. Qui peut prévoir ce qui se passera avec le changement de Commission et la nomination d'un nouveau président du Conseil [le polonais Donald Tusk, climatosceptique assumé] ? Mais il ne s'agit pas seulement de l'Europe et de ses choix pour elle-même, il s'agit aussi de maintenir la dynamique créée par le sommet sur le climat de Ban Ki-moon en septembre en vue d’un accord mondial à Paris l’an prochain. Comment l’Europe pourrait-elle davantage faire pression sur les autres pays qu’en adoptant dès maintenant ses objectifs pour 2030 ?

Quels sont les principaux obstacles à surmonter ?

Je ne crois pas que notre objectif global de réduire de 40% nos émissions de CO2pose réellement problème mais nous devons résoudre un dilemme : les économies d’énergie que l’Europe peut réaliser le plus facilement se trouvent dans les pays les moins riches.

Il faut donc trouver un mécanisme de solidarité qui satisfasse tout le monde. Des solutions sont proposées comme par exemple octroyer à ces pays[principalement Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Hongrie, Bulgarie,Roumanie] une partie des quotas de CO2 alloués par le marché carbone européen afin de les aider à financer des infrastructures moins polluantes. La question des interconnexions entre les différentes systèmes nationaux est aussi cruciale : l'Espagne et le Portugal qui ont beaucoup investi dans les renouvelables doivent pouvoir trouver des débouchés sur le marché européen.

Au nom de leur retard de développement, certains pays de l'Est de l'Europe réclament d'avoir le droit de ne pas réduire leurs émissions, est-ce acceptable ? 

La position de la Commission est qu’aucun pays de l’Union ne pourra voir ses émissions augmenter entre 2020 et 2030. Ouvrir cette possibilité ne serait pas cohérent avec le discours que nous tenons sur la scène internationale. Tout le monde devra faire des efforts. Il y va aussi de l'intérêt économique de l'Europe comme de sa sécurité énergétique. Nous envoyons chaque année 140 milliards d'euros à la Russie pour nos approvisionnements en pétrole et en gaz et nous connaissons tous la situation de l'Ukraine et de la Crimée.

Lors de l’adoption du premier paquet Energie-Climat en 2008, vous étiez ministre du climat et de l’énergie du Danemark. La négociation actuelle est-elle plus rendue plus difficile par la crise économique ?

En 2008, avant l'effondrement de la banque Lehman Brothers, toutes les courbes économiques pointaient vers le haut. Cela a-t-il pour autant été plus facile de partager le fardeau ? Sincèrement non. Il me semble qu'aujourd'hui de plus en plus de personnes réalisent que notre stratégie climatique peut nous aider à sortir de la crise. Les secteurs liés à l'économie verte 

sont parmi ceux qui créent le plus d'emplois. Juste un exemple : au Danemark l’an dernier, les exportations ont progressé globalement de 2% mais celles du secteur des technologies vertes ont augmenté de 17%.

Quel doit être le rôle de l’Europe dans la négociation climatique internationale ?

Le processus de négociations qui doit aboutir à un accord à Paris l’an prochain a été lancé à Durban en 2012 grâce au leadership de l'Europe. En Afrique du Sud, elle a su parler d'une seule voix et s'allier à une centaine de pays en développement [Afrique et petits Etats insulaires] pour imposer cet agenda.

Les Américains et les Chinois sont aujourd'hui plus engagés dans la négociation qu'il y a deux ans et il faut s'en réjouir. Il ne faut néanmoins pas croire que l'accord qui pourrait être trouvé entre les deux plus gros pollueurs de la planète sera nécessairement satisfaisant. L’Europe garde donc un rôle à jouer en veillant à ce que les discussions permettent de rester sur une trajectoire de réchauffement en-dessous des 2°C. C’est le rôle de l’Europe : pousser, encore pousser à faire davantage.

Vous avez présidé la Conférence de Copenhague en 2009. Avez-vous un conseil à donner à la France ?

Oui, un conseil qu’elle ne devrait pas aimer. Le gouvernement français va faire l'objet d'une pression croissante à l'approche de la conférence de Paris [en décembre 2015]. Sa tentation pourrait être d'en minimiser les attentes pour ne pas à avoir à payer le coût politique d'un échec. Ce serait une erreur. Les fortes attentes à Copenhague ont créé de la déception mais cela ne veut pas dire que des faibles attentes à Paris conduiront à un grand succès. La négociation n’est pas un exercice de bonnes intentions. Le monde a assez attendu, la situation se détériore. Paris doit démontrer concrètement que les leaders politiques prennent le réchauffement climatique au sérieux.

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